Site reconstruit le 16 mars 2025
Remercions C.B. pour cette belle initiative qui nous a permis d'explorer des forêts de graminées et ainsi mieux connaître une plante magique. Du Guillaume prendre la route Hubert de Lisle vers Trois Bassins pour trouver environ 3 km plus loin sur la gauche le chemin de la bambusaie, qui est le domaine de Monsieur Alexandre Perrussot, domaine d'un peu plus de 8,5 hectares à une altitude d'environ 1000 m (voir carte).
Le début de la visite nous permet de découvrir qu'en dépit des fortes pluies récentes la réserve collinaire retient assez peu d'eau. Paradoxalement, les pluies sont insuffisantes cette année.
Nous sommes ici sur un terrain ayant appartenu à la famille de Villèle. Le père d'Auguste de Villèle a importé en son temps des bambous d'Indochine pour sécher le tabac. Ce terrain a été mis en colonage jusqu'en 1985. Les subventions qui devaient permettre aux occupants des lieux de lancer leurs exploitations n'ont pas été utilisées au mieux. Le Crédit Agricole a ensuite repris les terrains. C'est à ce moment-là que la bambusaie a vu le jour.
Elle devient le soir un HLM aux oiseaux qui piaillent tant et si bien que l’on ne s'entend plus. A noter pour les randonneurs des Hauts de Saint-Paul que le chemin sur lequel nous progressons est un chemin FEOGA non bétonné. C'est un "tunnel bambou" du plus bel effet où l'on circule dans une demi-obscurité.
Peut-on, doit-on importer des plantes exotiques comme le bambou à la Réunion ? En l'absence d'interdiction absolue, Monsieur Perrusot a importé légalement un maximum d'espèces, non invasives, pour constituer une prestigieuse collection ayant rassemblé jusqu'à 160 espèces.
C'est toute la question de l'endémisme qui est alors abordée avec le groupe. Sans entrer dans les considérations échangées, Monsieur Perrussot rappelle que le Merle de Maurice, espèce exotique envahissante est en train de replanter l'endémisme à Mafate en y disséminant des graines d'endémiques. C'est un bel exemple de la complexité du vivant qu'essaie d'appréhender l'écologie. Autre exemple à méditer : la soudaine dissémination du Tulipier du Gabon, dont la graine a dû soudainement être découverte et plaire à une espèce d'oiseau.
Nous commençons à tenter de distinguer quelques espèces de Bambou. On consultera avec intérêt la page Wikipedia sur la question pour comprendre la différence entre bambous cespiteux (en touffes) et bambous traçants.
Tous ces bambous ont des qualités diverses et selon leurs caractéristiques ils sont vendus à l'École d'architecture, aux designers, aux maîtres d'ouvrage... La multiplicité des usages possibles de cette plante hyper-résistante est prodigieuse. Elle sert aussi dans les stations d'épuration des eaux.
La coupe des cannes destinées à la vente est annuelle.
Phyllostachys pubescens est le bambou dont se nourrit le Panda.
Bambusa vulgaris est l'espèce la plus répandue dans la zone inter-tropicale.
Nous apprenons avec ravissement que l'arrière grand-mère sonne mieux, quand on en frappe la canne. Dans une touffe de bambous, la relation entre les générations des cannes a quelque chose de matrilinéaire et chaque génération dépend de la génération qui la précède.
Dans le monde merveilleusement compliqué du Bambou, on notera des floraisons stériles, des floraisons à graines stériles, et des floraisons à graines fécondes. Le bambou vit huit ans et meurt à la floraison qui a lieu aussi si la plante est martyrisée par les éléments extérieurs. Les fleurs n'ont rien de spectaculaire, seules les étamines sont bien visibles.
Et pourquoi certaines espèces de Bambou fleurissent-elles partout sur la planète strictement en même temps ? Floraison quantique ?
Le bambou pousse de nuit, quand la pression osmotique est la plus forte. On compte une poussée par an.
Bambusa oldhamii, Bambou de Birmanie est utilisé en construction, il est pourtant sensible aux cyclones dont on voit les traces dans la bambusaie sous forme de grandes cannes irrémédiablement couchées.
Nous descendons vers un endroit que Monsieur Perrussot appelle « la cathédrale » tant les hautes touffes de Dendrocalamus giganteus en ce lieu évoquent d'autres voûtes. Il est même dit qu'ici quand le soleil couchant embrase cette nef, le spectacle est à nul autre pareil. Autre bambou cespiteux, Bambusa vulgaris.
Curieusement les alentours de la cathédrale sont dégagés, car recouverts par une végétation de chouchou qui empêche toute autre plante de s'y développer, à la possible exception de quelques pieds de Bocconia. Éloge par les connaisseurs de la patate chouchou.
Après les touffes de bambous de la cathédrale nous retrouvons les tunnels de la forêt de bambous traçants, forêt qui à y bien penser n'est qu'une prairie géante, les Bambous étant des Poacées, des Graminées. L'ancêtre du Bambou est la Prêle.
On identifie les bambous par la gaine sur la canne, le nombre de poils sur les ligules (voir photo).
Outre Phyllostachys aurea, on trouve dans ces tunnels une multitude d'espèces, dont celle chère à monsieur Perrussot, le Petit Blanc des hauts, résultat d'une mutation à partir d'une souche mère importée, aux feuilles blanches ou quasiment. Cette mutation est stable.
Autre espèce remarquable, le Bambou à crochets, ci-dessus, dont les lianes porteuses de crochets sont de redoutables pièges et sont utilisées pour former des haies impénétrables pour décourager chapardeurs et braconniers.
Sinobambusa tootsik pousse bien droit. Dendrocalamus strictus est l'un des meilleurs bambous por la construction. Le Bambou à section carrée a des épines au niveau des nœuds, censées décourager l'ascension par les rats. Il existe un Bambou tueur le killer bamboo dont les minuscules poils rigides de silice auraient été utilisés pour empoisonner à tout petits feux les officiers des armées impériales dans l'Asie sous la coupe britannique. Charming! D'autres espèces encore, que l'on renonce à nommer toutes. Sauf peut-être Phyllostachys bambusoïdes, « Le Madaké ... traditionnellement connu comme le plus utilisé pour faire les flutes shakuhachi, ... également très utilisé dans l'art et l'artisanat Japonais aussi bien que Chinois » (Wikipedia).
Que Monsieur Perrussot trouve ici le témoignage de notre gratitude, lui qui nous a fait partager son enthousiasme pour une plante magique et qui a répondu à toutes nos questions avec une patience infinie.